Lecture d'Ainsi parlait Zarathoustra, t. 02
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Pour deux raisons au moins – la forme poétique très inhabituelle, l’originalité de la pensée – Ainsi parlait Zarathoustra a paradoxalement le privilège d’être la plus célèbre des grandes œuvres philosophiques et en même temps le malheur d’être l’une des plus mal comprises. A ces deux raisons s’ajoute en France la mauvaise, et souvent la très mauvaises, qualité des traductions On se contente le plus souvent d’en retenir quelques passages, quelques belles formules plus ou moins approximativement déchiffrées, sans même s’apercevoir qu’il s’agit de la plus complète et de la plus construite des oeuvres de Nietzsche qui nous y présente tous les grands thèmes de sa philosophie et leur genèse.
Du fait même qu’il mérite bien cette célébrité Ainsi parlait Zarathoustra mérite évidemment bien mieux que cette compréhension très partielle et très superficielle. C’est pour tenter de remédier à cette injustice que nous en présentons une nouvelle traduction. Et c’est aussi pourquoi nous proposons ici un commentaire, une lecture destinée à aider d’autres lecteurs à dépasser cette compréhension approximative dont on se contente trop souvent.
Cette lecture est partie de trois postulats :
Tout d’abord, premier postulat, partout – dans l’ensemble du livre, dans chaque partie, dans chaque chapitre – Nietzsche suit un plan et un plan bien construit. Il suffit de parcourir les Fragments posthumes, où on le voit consacrer beaucoup de temps et d’efforts à élaborer des plans, pour mesurer l’injustice qu’il y a à prétendre, comme on le fait trop souvent, qu’il se laisse aller aux caprices d’une inspiration débridée. Notre première tâche a donc consisté à faire ressortir ces plans en respectant l’organisation du texte de Nietzsche sans rien changer ni à l’ordre des chapitres ni à l’ordre dans les chapitres et en insérant des titres et des sous-titres dans notre commentaire. Et c’est aussi pour aider à saisir la structure d’ensemble et les enchaînements que nous avons fait précéder l’étude de chacune des quatre parties d’une introduction qui la résume et en dégage les grandes lignes.
Ensuite, deuxième postulat, tout – tout sans exception, y compris les anecdotes, les poèmes, les métaphores, les boutades – tout dans le Zarathoustra a une signification et une signification philosophique. Pour nous obliger à ne rien laisser échapper nous avons suivi le texte de Nietzsche paragraphe par paragraphe, voire ligne à ligne ; et pour ce faire nous avons numéroté tous les paragraphes dans l’édition d’Ainsi parlait Zarathoustra que nous proposons et nous avons, tout au long de notre commentaire, fait apparaître les numéros des paragraphes commentés.
Enfin, troisième postulat, contrairement à ce qu’on répète à l’envi pour se dispenser de recherches plus approfondies, Nietzsche ne se contredit jamais. Ce dernier postulat nous a fait un devoir de tout accorder, d’ajuster les unes par rapport aux autres nos interprétations des différents aphorismes dont est composé l’ouvrage de Nietzsche. Et c’est pour faire ressortir la cohérence ainsi dégagée, l’unité de l’ensemble et la place qu’y trouve chaque élément, que nous n’avons pas hésité à multiplier, sans nous lasser et sans craindre de lasser, les notes renvoyant d’un passage à un autre à l’intérieur du Zarathoustra. S’agissant de n’importe quel autre philosophe, ces trois postulats constitueraient des évidences qu’il serait ridicule de formuler. S’agissant de Nietzsche, et du sort que l'on a trop souvent réservé à ses œuvres, il s’agit presque, au contraire, d’originalité et presque d’une thèse.
Docteur en philosophie, Pierre HEBER-SUFFRIN a déjà consacré plusieurs ouvrages à Nietzsche. Il anime actuellement des séminaires destinés à accompagner un public de non-spécialistes dans des lectures et dans une réflexion authentiquement philosophiques.
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