Vie et l'œuvre de Derek Doyle (La)
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Ceux qui prenaient le temps d’écouter la musique de Doyle avec attention, de s’y abandonner, en quelque sorte reconnaissaient qu’elle n’avait jamais été aussi bouleversante. Pour eux, les sons qu’il faisait naître les transportaient ailleurs, dans une dimension nouvelle, tissée de prières. Ils décrivaient des chants récités par des anges. Ils faisaient voir de vastes paysages désertiques où le vent roule avec furie sur les pierres. Comme journaliste, la tâche de Lafrenière allait consister à lui poser des questions sur sa carrière; de manière plus personnelle, il se sentait immensément chanceux, puisqu’il allait vivre une semaine auprès de ce grand artiste, lui le plus fidèle de ses admirateurs.
Quel étrange phénomène, ce Derek Doyle! Véritable gloire de la musique populaire à ses débuts, il évolue désormais hors de la scène et se dévoue à des explorations musicales déroutantes qui déplaisent aux communs, mais provoquent des réponses sensorielles inédites chez ses fidèles. Voilà qu’il se dépose avec sa suite dans un manoir encerclé de forêt et de neige dans un coin reclus de la Gaspésie. François Lafrenière, journaliste et biographe à la pige, réclamé par Doyle lui-même pour rédiger sa biographie, l’y rejoint, heureux élu qui aura la chance de découvrir le vrai visage de son idole dont on ne sait presque rien. Or, Doyle souffle le chaud et le froid, faisant tour à tour preuve de courtoisie et d’indifférence; d’une éloquence généreuse lorsqu’il daigne recevoir Lafrenière, avant de mettre en doute les capacités réelles de son biographe. Et que dire de ceux dont Doyle s’entoure : des gens de maison dévoués, mais débiles, une infirmière alanguie et un enfant au regard perdu? Comment Lafrenière peut-il toujours décevoir son hôte bien qu’entouré de pareils faiblards? Non, il vaut mieux que cela, mieux qu’eux, et il ferait tout pour que Doyle le sache.
Roman noir mené en huis clos, La vie et l’œuvre de Derek Doyle propose une réflexion captivante sur les relations entre une idole et ses admirateurs et des dynamiques qui y président, toujours influencées par le désir, conscient ou non, de se montrer méritant de l’adulation totale, de la reconnaissance de son maître à penser, voire d’exister tout simplement. Grâce à son style incisif et intemporel, Jacques Lemaire brosse un portrait étonnant des débordements qui accompagnent le cultisme, dans toutes ses déclinaisons.
Jacques Lemaire est né et a grandi à Montréal. Après des études en littérature comparée, il a enseigné au Collège Jean-de-Brébeuf, puis il est passé à l’administration scolaire, entre autres comme directeur des études. Maintenant qu’il dispose enfin de temps pour lui, il consacre ses heures à ce qu’il a toujours le plus aimé faire : lire, écrire bien sûr, voyager, écouter de la musique, vivre avec les êtres qu’il aime. Il a signé le recueil de nouvelles Disparaître (Sémaphore, 2022), qui en 2023 a été finaliste du prix Adrienne-Choquette et du Prix littéraire des enseignant·e·s de français, catégorie Nouvelle.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
