Ecrits de maître Guan
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Le rôle séminal de ces quatre traités, regroupés d'ordinaire sous le nom de Guanzi, pour le développement du taoïsme et des pratiques de soi est apparu avec une évidence accrue au fil des découvertes archéologiques depuis les années 1970. Parmi ces courts traités, le « Nei ye » ou « L'oeuvre intérieure » occupe une place à part : vraisemblablement le plus ancien des quatre, il est le premier texte de Chine à offrir de façon si nette et si détaillée un régime de vie global, soutenu par un éventail de pratiques diverses mais toutes fédérées par l'impératif de nourrir, faire croître puis transformer les énergies vitales dans le corps.
Dans le même temps, il offre un cadre cosmologique ainsi qu'une terminologie technique qui conditionnera fortement le développement du taoïsme impérial, philosophique et religieux. Les auteurs ultérieurs n’auront de cesse de citer, d’emprunter ou de plagier ses formules, ses tours de langue, son rythme incantatoire.
Le second texte, « L’art de l’esprit, 1 », consiste en un exposé de ces techniques d’entretien de la vie et de la vitalité, qui mènent à l’empire sur soi et à la souveraineté sur le monde, puis en un commentaire explicatif de ce premier exposé. « L’art de l’esprit, 2 » est soit une reprise de « L’oeuvre intérieure », soit la version écrite d’un enseignement dont « L’oeuvre intérieure » se serait également inspirée. En tout état de cause, la parenté est incontestable entre les deux textes.
Enfin, le quatrième texte, « Bai xin », traditionnellement rattaché à cet art de l’esprit est un chapitre beaucoup plus distinct par son thème et sa tonalité, « Purifier l’esprit ». Il a selon toute apparence été rédigé en fonction d’un agenda politique et administratif bien plus lourd, et se détourne de l’exploration pionnière des processus intérieurs de l’être humain pour se consacrer à la question de la conversion d’une méthode spirituelle en technique de domination.
Avec ces quatre traités nous assistons au passage de l’exploration pionnière des pouvoirs spirituels de l’être humain à l’usage réglé de cette puissance sur le monde entier : ils enseignent à devenir maître de soi pour mieux régir le monde.
Professeur en études chinoises à l’école normale supérieure de Lyon depuis 2009, rédacteur en chef de la revue Extrême-Orient Extrême-Occident, Romain Graziani a notamment publié Fictions philosophiques du Tchouang-tseu (Gallimard 2006), Amor Fati (poésie, José Corti, 1997), Mues indigènes (poésie, Fata Morgana, 2002), L’homme qui voulait naître moi (Fata Morgana, 2004), Legs du bègue (récit, Bibliothèque du Lion, 2005).
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