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Alors que le système touristique recouvre aujourd’hui la planète et s’étend du domicile jusqu’à la destination, il est permis de se demander si le voyage peut encore dépasser le tourisme.
Le tourisme est une des industries ayant connu l’essor le plus important ces dernières décennies. Pratiquée par une infime partie de la population mondiale, cette activité n’est pas sans effets délétères sur les populations, les paysages, les territoires, même dans ses incarnations les plus « vertes » et « responsables ». Est-ce à dire qu’il faudrait dans ces conditions aller jusqu’à cesser de voyager?
C’est à cette vaste réflexion que nous convie Rodolphe Christin dans ce court et percutant essai. Dans la foulée des différents écrits qu’il a publiés sur ce thème au fil des ans, et pour faire suite à la critique implacable du tourisme qu’il livrait dans son Manuel de l’antitourisme (Écosociété, 2017), l’auteur poursuit ici sa réflexion en abordant la question du voyage en lui-même et de ses possibilités dans le monde d’aujourd’hui. Une manière de répondre par la bande à l’opposition voyage/tourisme qui revient inévitablement dans les débats que soulèvent ces thèmes.
En écrivant le Manuel de l’antitourisme, l’intention de l’auteur était de démontrer que le loisir touristique est devenu un anti-voyage qui transforme le monde en parc d’attractions. Cependant, au lieu de juger les touristes, mieux vaut, soutenait-il, critiquer l’emprise de l’internationale du divertissement. D’autant que la tentation du voyage serait enracinée en nous, entendons-nous souvent. Mais qu’en est-il réellement? Si le système touristique recouvre aujourd’hui la planète et s’étend du domicile jusqu’à la destination – peu d’endroits lui échappant –, il est toujours permis de se demander si le voyage dépasse encore le tourisme. Oui, il le déborde, de soutenir l’auteur, « car il accompagne potentiellement toute forme de déplacement, dès lors qu’on considère le voyage non seulement comme un désir, mais aussi comme le résultat de l’expérience corporelle, psychologique, sensible et intellectuelle liée au fait de se mouvoir dans l’espace, quels que soient les formes et les motifs du déplacement ». Par conséquent la passion des voyages s’ancre-t-elle dans un terreau plus archaïque qui lui assurerait, à certaines conditions, une éternelle vigueur?
Dans cet opuscule stimulant, Rodolphe Christin tente de montrer que « le voyage est par-dessus tout un acte de l’esprit, une expérience particulière de la pensée et du corps. Autrement dit, une certaine expérience du monde que les infrastructures touristiques mettent à mal et qu’il conviendrait cependant de sauver ». L’auteur se garde toutefois bien, en disant cela, de soutenir une approche élitiste du voyage. Si le tourisme est d’abord économie, le voyage est par-dessus tout philosophie. Il est donc possible, selon l’auteur, « d’en apercevoir, ici et là, voguant sur un indéniable plan imaginaire probablement irrépressible, quelques-unes de ses formulations les plus significatives ».
Rodolphe Christin travaille dans le secteur de la formation professionnelle; il est l’auteur du Manuel de l’antitourisme (Écosociété, 2017), de L’usure du monde. Critique de la déraison touristique (L’Échappée, 2014), L’horreur managériale (L’Échappée, 2011, sous le pseudonyme d’Étienne Rodin) et a participé à l’ouvrage collectif Le travail, et après? (Écosociété, 2017).
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