À la foire
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En pleine canicule, un homme se laisse convaincre par sa femme et ses filles d’aller visiter une foire agricole. Sur place, il y a beaucoup de monde.
Inconfortable, l’homme déambule entre les bêtes et les visiteurs, sans porter attention à sa famille, qu’il finit par perdre dans la foule. Il erre dans la foire, à leur recherche. Entre une vache aux pis douloureux, une passagère de son autobus matinal, des jeux d’adresse et plusieurs Coors light, il est confronté à l’homme qu’il est devenu, et réalise qu’il en est prisonnier.
Dans une ultime tentative pour s’incarner, il embarque dans un manège avec sa famille retrouvée. Le cauchemar de cette journée atteint alors son paroxysme : étourdi, secoué, il croit qu’il va vomir. L’expérience se révèle un échec. Mais qu’est-ce que cela signifie pour son statut d’homme marié, de père, d’employé d’une firme prestigieuse?
Maud Chayer a fait des études universitaires en cinéma et en littérature à Montréal, Paris, Vienne et Marseille. En 2015, elle publie le premier tome de sa trilogie pour adolescents, Plan vaudou. Suivront Coeur de zombie et Maître Minuit en 2016. Elle travaille dans le milieu du cinéma et vit en banlieue, un endroit qui n’a de cesse de l’inspirer.
« Derrière lui, un forain parlait fort, tentait d’attirer l’attention des passants. Il tenait un énorme marteau. D’après lui, l’homme à la silhouette d’Arnold Schwarzenegger qui venait de payer 10$ n’arriverait pas à faire sonner la cloche de son jeu. Il s’agissait d’un genre de flèche avec au bout un cercle indiquant la puissance du coup porté avec le marteau sur une balance à son pied. Tout le long de la flèche, des lumières colorées circulaient vers le cercle, culminant en un chiffre. Il s’approcha, intéressé par l’exploit ou la défaite.
L’orgueil du concurrent devait être à l’image de sa corpulence. Quand il y eut assez de monde autour, le forain remit le marteau à l’homme. Celui-ci l’empoigna et s’apprêta à frapper la cible, comme s’il ne s’agissait que d’une formalité. Mais la cloche ne sonna pas. L’enseigne lumineuse afficha un faible 253. Vous avez trois chances! Vous avez trois chances! Répétait le forain, juste assez moqueur pour piquer l’homme et faire rire la foule. Au deuxième coup, il fit 400. Les lumières s’excitèrent un peu. La foule cria. Il faut 500 pour faire sonner la cloche! Il faut 500 pour faire sonner la cloche! La foule se mit à encourager l’homme fort. Au troisième coup, il fit 327 et quitta vite l’enceinte, dépité, voire furieux. Mais le forain, agile, le rattrapa par le bras, et le ramena vers le milieu. Qui peut faire mieux? Qui peut faire mieux? J’offre un prix à celui qui le bat! Battez 400 et je vous donne ce prix! Faites sonner la cloche et remportez celui-ci! Il tenait dans une main une petite peluche en forme de licorne multicolore, et dans l’autre, la même mais en gigantesque. Un gamin de trois ans aurait pu s’assoir dessus. Qui veut essayer de battre l’homme fort?
Pour dix dollars vous aurez trois chances de faire mieux! Il s’avança dans l’arène, les doigts détachant déjà un billet de sa liasse. »
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.