Part commune (La)
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La critique de la propriété est à l’ordre du jour. On a vu, ces dernières années, se développer une réflexion sur le rôle de la rente dans le creusement des inégalités (Piketty) ou sur la nécessité de rendre certains biens à la propriété collective (Dardot et Laval). Le livre de Pierre Crétois se situe dans ce champ, où il trace un sillon original. Il n’aborde pas le problème seulement par ses effets délétères, mais le reprend à la racine.
La propriété privée s’élabore à partir de la Renaissance, en tant que pendant de la souveraineté politique : l’individu règne en maître sur ses choses comme le souverain sur ses sujets. Elle devient un droit naturel, celui de la personne à jouir comme elle l’entend des fruits de son travail. La Révolution sanctuarisera cette idée dans la Déclaration des droits de l’homme. C’est là que les difficultés surgissent. Il n’a jamais existé dans la réalité de propriété absolument privée : les choses ne sont pas appropriables en tant que telles, mais sont des lieux où se rencontrent des existences et activités individuelles et collectives. Le propriétaire ne doit plus être conçu comme un despote sur son domaine, mais comme membre de communautés et d’écosystèmes.
Pierre Crétois fait donc d’une pierre deux coups : il démystifie la propriété privée, en la débarrassant des fadaises libérales et libertariennes, et la replace au centre de la politique. Pas d’émancipation sans transformation de la propriété.
Pierre Crétois est philosophe, maître de conférences à l’Université Bordeaux-Montaigne. Il est l’auteur du Renversement de l’individualisme possessif. De Hobbes à l’État social (Classiques Garnier, 2014).
Table des matières
Introduction
Propriété privée. Anatomie d’un concept
1. Un droit naturel
- 1.1. Une justification d’abord déontologique de la propriété
- 1.2. John Locke, une voie téléologique pour conforter la naturalité du droit de propriété
- 1.3. Locke : la légitimité du droit de propriété ne découle d’aucune convention
- 2.1. Tout travail mérite salaire
- 2.2. La structure de l’argument lockien de l’appropriation par le travail : l’argument du mélange
- 2.3. Qu’est-ce que travailler veut dire?
- 2.4. Le problème du second travailleur
- 2.5. L’argument du mélange en question
- 3.1. Le droit de propriété et la vocation laborieuse de l’homme
- 3.2. Être propriétaire de la valeur produite par notre travail, est-ce être propriétaire des choses valorisées par celui-ci?
- 4.1. Est-on obligé de respecter la propriété d’autrui?
- 4.2. L’État a-t-il le droit d’interférer sur les propriétés privées?
- 4.3. Des théories de la justice fondées sur la garantie du droit de propriété
- 4.4. Rien ne prouve que l’obligation de respecter le droit de propriété soit moralement contraignante par nature
Débusquer l’idéologie
1. L’impasse d’un contrôle absolu
- 1.1. L’incertitude conceptuelle du concept de propriété privée
- 1.2. Articuler la propriété des uns avec l’intérêt des autres
- 1.3. La propriété privée absolue contre la justice distributive
- 1.4. La propriété contre les valeurs
- 2.1. Les ressources naturelles sont à tous
- 2.2. Rendre à la société ce qui lui revient
- 3.1. Peut-on s’approprier notre mérite?
- 3.2. Même une société de marché ne fonctionne pas au mérite
- 3.3. Le mérite ou la chance?
Repenser les règles de propriété
1. La propriété peut-elle se résumer à la seule promotion de la liberté individuelle?
- 1.1. Propriété et liberté individuelle
- 1.2. Un socle de propriété est essentiel pour garantir à tous l’accès à une liberté réelle
- 1.3. La propriété permet le libre-marché et la satisfaction libre des préférences individuelles
- 2.1. Propriété et rapports de pouvoir
- 2.2. Le droit de propriété produit une hiérarchie des volontés
- 2.3. La propriété comme origine du pouvoir capitaliste
- 2.4. Quid de la domination capitaliste aujourd’hui?
- 3.1. Surmonter l’opposition entre droit réel et droit personnel
- 3.2. Un contrat social au fondement de la propriété
- 3.3. La véritable nature du contrat social au fondement du droit de propriété
- 4.1. L’hypothèse de Nozick
- 4.2. Avoir des droits plutôt qu’avoir des choses
- 4.3. Dépasser Honoré
- 4.4. La régulation des rapports sociaux quant aux choses
L’inappropriabilité des choses
1. Les choses et l’accomplissement humain
- 1.1. Que faut-il égaliser?
- 1.2. Déréifier les biens
- 1.3. La priorité de l’accès aux biens d’accomplissement
- 1.4. Le droit de propriété comme droit d’administrer les accès
- 2.1. Des choses qui débordent
- 2.2. Quand les droits de propriété empiètent les uns sur les autres
- 2.3. Les externalités négatives environnementales ne sont pas des phénomènes de marché
- 3.1. Des choses fondamentalement partagées
- 3.2. Le droit de propriété n’est pas fondamental
Conclusion : Vers l’ère de l’inappropriable
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.