Poupée russe de brouillard
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Et si l’enfant qu’on est n’avait pas fini de crier ? Le corps éraflé en entier et les paumes en sang toujours incrustées de cailloux, Poupée russe de brouillard est un saccage interne d’où remonte la douleur de l’enfance. À l’aide de poèmes en prose, l’autrice raconte les blessures d’une femme aux prises avec son passé familial marqué par des carences affectives. Dans un voyage en pleine conscience, elle arrache sa peau pour se rendre à l’enfant qu’elle était. Cette connaissance de soi s’inscrit dans une grande violence incontournable, voire exutoire.
Une prise de parole dérangeante et captivante qui permet de comprendre ce qui nous effraie pour mieux l’enjamber. Le tout écrit dans une langue qui mord à la chair pour s’exprimer.
Kathleen Laurin-McCarthy est née en 1994. Cette artiste de la relève a grandi dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec. Elle a complété un certificat en création littéraire à l’Université Laval ainsi qu’un baccalauréat en jeu à l’UQAM. Dans ses temps libres, elle prend des cours de danse sociale et mange de la crème molle à la vanille.
Lorsqu’il pleut, elle fait de l’aquarelle en récupérant les gouttes d’eau du ciel. Ses yeux se gorgent de souvenirs lorsqu’ils discutent avec la lune : elle y voit son père disparu boire une bière Stout avec les étoiles. Son cheminement artistique est empreint du désir de contester les écarts sociaux et les rapports de pouvoir ; elle en appelle aux changements. Poupée russe de brouillard est son premier recueil de poésie.
Des mots aiguisés au dos de ma langue tranchent mes
plaintes. Je suis l’Enfant sage, la troisième d’un
casseau de quatre. La seule née pas pourrie, pas
abîmée. Extérieurement lisse, intérieurement oxydée.
L’air me ronge quand les paroles des grands
écorchent les murs.
Des ciseaux pris dans la gorge, je me dandine, les
gobe, les laisse jouer dans mon ventre. Bricolage
d’Enfant, je confectionne des noeuds marins avec mes
tripes.
Parents amputés, parents morts, parents enterrés dans
leur propre corps. Je nettoie leurs loques, dépoussière
leurs fronts, pèle leurs morceaux de peau brulée par
le frottement de l’asphalte sur la 40, direction Québec
centre-ville. Je les maquille de ma pâte à modeler. Je
les couche sur le tapis roulant de la morgue et
l’actionne. Tranquillement, mais sûrement, ils
tomberont dans le four. S’étoufferont et mourront.
Pour de vrai. Libération par incinération.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.