Alexandre Chenevert
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Dans le Montréal de l’immédiat après-guerre, un petit homme au nom pompeux, qui exerce le métier de caissier dans une banque, porte sur ses épaules le sort de l’humanité entière. L’insomnie le tenaille, et la culpabilité, et le désir de répandre la joie sur la terre. Un moment, il connaît le bonheur au bord d’un lac, seul et livré aux grandes forces de la nature.
Image de la société actuelle bruyante de messages et de communication, portrait de l’individu moderne accablé de responsabilités et en quête d’une paix qui le fuit toujours, Alexandre Chenevert est peut-être, de tous les romans de Gabrielle Roy, le plus grave et le plus ironique, celui qui correspond le plus justement à ce que le monde où nous vivons a fait de nos vies, de nos pensées, de notre désir de bonheur.
Née le 22 mars 1909 à Saint-Boniface au Manitoba, Gabrielle Roy est la plus jeune d’une famille de huit enfants. Ses parents, Léon Roy et Mélina Landry, connaissent d’importants soucis financiers durant son enfance.
Élève brillante de l’Académie Saint-Joseph, elle entreprend ensuite des études au Winnipeg Normal Institute et devient institutrice. De 1929 à 1937, elle enseigne au primaire dans des villages du Manitoba puis à l’Académie Provencher, une école de garçons de Saint-Boniface. Parallèlement, elle fait du théâtre avec la troupe du Cercle Molière et celle du Winnipeg Little Theatre, avant de partir pour l’Europe en 1937, où elle compte étudier l’art dramatique. C’est au cours de ce premier séjour en France et en Angleterre qu’elle découvre sa vraie vocation : écrire. Rentrée au Canada en 1939, elle s’installe à Montréal, loin de sa famille, et gagne sa vie comme journaliste à la pige tout en rédigeant son premier roman. Paru à Montréal en 1945, Bonheur d’occasion remporte un immense succès local et international : traduit en anglais sous le titre The Tin Flute, le roman est choisi « book of the month » par la Literary Guild of America et les droits d’adaptation cinématographique en sont acquis par Hollywood ; publié en France par les Éditions Flammarion, il obtient le prestigieux prix Femina en 1947. Cette même année, le livre reçoit le Prix du Gouverneur général, et Gabrielle Roy est reçue à la Société royale du Canada. Après leur mariage en août 1947, Gabrielle Roy et Marcel Carbotte partent pour la France, où ils vivront trois ans : il poursuit ses études de spécialisation médicale, tandis qu’elle se consacre à l’écriture.
En 1950 paraît La Petite Poule d’eau. Deux ans plus tard, Gabrielle Roy et son mari s’installent à Québec. Alexandre Chenevert est publié en 1954, puis Rue Deschambault en 1955, dont la traduction anglaise, Street of Riches, obtiendra le Prix du Gouverneur général. En 1957, Gabrielle Roy fait l’acquisition d’une résidence secondaire à Petite-Rivière-Saint-François, dans le comté de Charlevoix ; c’est là qu’elle passera désormais tous ses étés et écrira la plupart de ses romans.
Après La Montagne secrète (1960), Gabrielle Roy signera La Route d’Altamont (1966), La Rivière sans repos (1970), Cet été qui chantait (1972), Un jardin au bout du monde (1975), Ces enfants de ma vie (1977), Fragiles lumières de la terre (1978), De quoi t’ennuies-tu Éveline ? (1982) et La Détresse et l’Enchantement, sa grande autobiographie publiée à titre posthume en 1984.
Quoique son existence ait surtout été retirée et discrète, Gabrielle Roy a reçu de nombreuses distinctions pour la qualité et la richesse de son œuvre : le prix Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste en 1956, un doctorat honorifique de l’Université Laval en 1968, le prix Athanase-David en 1971, un troisième Prix du Gouverneur général en 1977 pour Ces enfants de ma vie, le prix Molson du Conseil des Arts du Canada en 1978, et le Prix de littérature jeunesse du Conseil des Arts du Canada en 1979 pour son album Courte-Queue.
Gabrielle Roy s’est éteinte à Québec le 14 juillet 1983.
Reconnue comme l’une des figures les plus importantes de la littérature québécoise et canadienne du XXe siècle, admirée par une multitude de lecteurs du monde entier, Gabrielle Roy a porté au plus haut l’art du roman et le sens de la communication littéraire. La beauté et la signification de son œuvre continuent d’inspirer aussi bien les spécialistes que le grand public lecteur, au Québec, au Canada et partout où la littérature reste une façon privilégiée d’interroger et de comprendre cet inextricable mélange de « détresse » et d’« enchantement » qu’est l’existence humaine.
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