Blackface
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« "Je pense qu’Emmett Miller est maléfique”, m’a dit ma bonne copine Carol il n’y a pas si longtemps. Je lui ai demandé ce qu’elle entendait par là, et elle m’a répondu qu’elle pensait qu’Emmett Miller était en train de dévorer ma vie. Elle a peut-être raison. Où que je tourne mes regards, il est là. De même qu’on reconnaît la silhouette d’une amante perdue en croisant dans la rue n’importe quelle inconnue présentant la moindre ressemblance avec elle, de même je ne peux entendre une chanson, je ne peux lire une phrase, sans y percevoir la présence fantomatique d’Emmett. »
Tout avait commencé vingt-trois ans plus tôt. Nick Tosches était tombé par hasard sur un disque enregistré dans les années trente par un artiste dont le nom ne lui disait rien : Emmett Miller. La voix et la musique qu’il entend le chavirent : ni country, ni blues, ni jazz, ni noire, ni blanche, mais une alchimie de tout cela, dans laquelle Tosches voit l’expression ultime de la culture américaine. Il se lance alors dans une quête qui va durer des années sur les traces de l’insaisissable Emmett Miller, et finit par découvrir que celui-ci participait à des spectacles de ménestrel blackface, où des Blancs se grimaient en Noirs. Tel est l’argument qui permet à Tosches de traverser l’histoire de la musique américaine, tirant des fils et maniant la digression avec cette érudition tordue qui est sa marque de fabrique. L’auteur nous fait ainsi parcourir l’Amérique de long en large, des bouges du Sud profond aux clubs de Broadway; et nous montre incidemment que, dans le fond, les clichés du gangsta rap ne diffèrent pas essentiellement de ceux du « bon nègre » de jadis.
Nick Tosches, d'origine italo-albanaise, a d'abord travaillé pour une compagnie de sous-vêtements, puis comme chasseur de serpents avant de renoncer à toute forme d'activité salariale et de se lancer dans l'écriture. Ses premiers textes furent publiés dans les magazines rock. Il est décédé en 2019.
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