Impérialisme humanitaire
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Toute idée, aussi légitime soit-elle, court le risque d'être transformée en idéologie et d'être utilisée par les pouvoirs en place à des fins qui leur sont propres. C'est ce qui arrive avec l'idée de la défense des droits de l'Homme lorsqu'elle se transforme en légitimation de l'ingérence militaire unilatérale et qu'elle appuie le rejet du droit international. Pendant la période coloniale, la domination occidentale sur le monde a été justifiée par le christianisme ou par la «mission civilisatrice» de la République. Après la décolonisation et la fin de la guerre du Vietnam, c'est un certain discours sur les droits de l'Homme et la démocratie, mêlé à une représentation particulière de la Deuxième Guerre mondiale, qui a rempli ce rôle.
Cette idéologie a réussi à mystifier et à affaiblir les mouvements progressistes ou pacifistes qui cherchent à s'opposer aux agressions occidentales et aux stratégies de domination. Elle est une sorte de cheval de Troie idéologique de l'interventionnisme occidental au sein des mouvements qui lui sont en principe opposés. De plus, elle contribue à faire oublier aux mouvements altermondialistes que l'ordre socio-économique profondément injuste qu'ils combattent est soutenu en fin de compte par la puissance militaire américaine. Ce livre se propose de démêler un certain nombre de confusions idéologiques fort répandues, surtout dans les milieux progressistes, sur les thèmes des droits de l'Homme et des rapports entre l'Occident et le reste du monde. Il espère contribuer ainsi à la renaissance d'une opposition ferme et sans complexe aux agressions impérialistes présentes et futures.
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l'Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié «Impostures intellectuelles», avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et «À l'ombre des Lumières», avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003).
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