Vert paradoxe
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La plupart des efforts actuels visant à contrer la catastrophe écologique appréhendée se concentrent sur la recherche de gains d’efficacité énergétique. Voitures hybrides, transports collectifs électriques et autres turbines éoliennes, même s’ils sont encore très marginaux, incarnent l’espoir d’une croissance capitaliste durable.
Selon le journaliste David Owen, la popularité de ces solutions tient surtout au fait qu’elles ouvrent de nouvelles frontières à notre soif perpétuelle de consommer des produits à la fine pointe de la technologie. Car la cible, elle, s’éloigne de plus en plus : en effet, chaque gain d’efficacité énergétique apporté par la science et l’industrie se traduit en réalité par une consommation globale surmultipliée.
Ce phénomène, l’« effet rebond » des gains d’efficacité, est connu depuis le XIXe siècle, mais encore largement ignoré (volontairement ou pas) des décideurs et des citoyens consommateurs. Dans Vert paradoxe, l’auteur multiplie les exemples, les rencontres et les anecdotes pour illustrer le piège dans lequel nous nous enferrons et décortique les nombreux paradoxes des prétendues solutions vertes. Le transport aérien, beaucoup moins énergivore que naguère, est devenu accessible à tout un chacun et a décuplé; idem pour la climatisation, un luxe devenu omniprésent. Quant aux bouchons de circulation, de par leur fonction d’obstacle dissuasif, ils se révèlent meilleurs pour l’environnement que les trains de banlieue qui libèrent de l’espace pour les voitures et favorisent l’étalement des banlieues. Rendre la vie difficile aux automobilistes reste la meilleure des solutions pour encourager la densification urbaine…
Car l’efficacité n’est pas la solution; c’est seulement un des problèmes. Le problème central n’est pas de modifier notre consommation, mais de la réduire. Sous la plume alerte de ce journaliste du New Yorker, Vert Paradoxe dissipe un à un les mirages du développement durable.
L’un de nos tours de magie verte favoris consiste à faire passer notre consommation de produits de luxe pour de la philanthropie. Une nouvelle voiture, un chauffe-eau solaire pour la piscine, un train ultra-rapide qui rend les longs déplacements plus agréables et moins chers, des tomates plus savoureuses: voilà les sacrifices que nous sommes prêts à faire pour l’avenir de la civilisation, alliés à quelques politiques économiques coercitives à l’égard de la Chine. Notre capacité à nous nourrir d’illusions est impressionnante.
David Owen est un collaborateur régulier du New Yorker. Il est l’auteur de nombreux livres, dont Green Metropolis (2009), à propos de la supériorité écologique des mégapoles comme New York.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.