Fibres
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Mon corps se déficelle. Chacune de ses fibres s’échappe. Bientôt allégée, je pourrai me poser sur la corde à linge, dehors, flotter dans la brise de l’été. L’odeur du vent – des griottes fondantes, du miel, de l’herbe réchauffée par le soleil. Une si belle journée promise et pourtant, mon corps ne cesse de perdre des morceaux. Il lui faudrait un filet de mains pour le recueillir, le recoudre. Je pense à ma mère partie dans ses idées, à mon père au travail et à mes ami.e.s courant comme moi vers un avenir encore trop flou pour y déceler la lumière. Mon ventre m’appelle, un grand vertige le traverse, l’abîme. Le vider pour aller mieux. Le vider et libérer au passage la graisse des bras, des cuisses, des fesses. Le vider et chercher à se rendre très près et très loin à la fois pour pouvoir peut-être se remplir à nouveau.
En abordant l’angoisse de manière sincère et sensible, ce roman parle de certaines douleurs qui, à vingt ans, coincent entre la chair et la peau.
Flavie Choinière est née à Montréal en 1997. Elle est facilement friable et préfère emprunter les trottoirs au soleil. Après un baccalauréat par cumul en études cinématographiques, en littérature et en création littéraire, elle poursuit ses études en interprétation à l’École nationale de théâtre. La construction identitaire et le tissage des liens sociaux la fascinent. Elle s’intéresse aux craquelures sous les peaux et aux gestes pour panser les blessures. Elle rêve de voyages et d’art duveteux.
Fibres est son premier roman.
« Je l’observe plus loin dans l’allée, en train de comparer l’allure des poivrons rouges et orange. Je pense à ses parents, aux miens, puis à tous les parents dont les enfants de vingt ans vont à l’épicerie s’interroger sur les poivrons, choisir des légumes, acheter des aliments pour se nourrir comme il faut, comme on le leur a appris, avec dans leurs sacs réutilisables en filet, une envie sourde de mourir. »
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