Arides
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Dan, la mi-cinquantaine, a eu des nouvelles de son fils, premier contact depuis qu’il l’avait abandonné enfant. L’irruption de ce fils dans sa vie le bouleverse, lui qui ignore ses propres origines et qui ne peut réconcilier le passé et le présent. À force d’insistance, Dan parvient à ouvrir une brèche dans le mutisme de son père, lequel lui dévoile le lieu de sa naissance. Il part aussitôt à la recherche de ce monde où il espère éclaircir la grande énigme de sa vie.
Seul, perdu, Dan s’aventurera dans des contrées désertiques, écrasées de soleil, où il découvrira une chapelle, quelques maisons et d’autres solitudes, les ombres de son passé. Son intrusion dans cet univers de poussière, où survivent quelques habitants taciturnes, avivera des tensions aux racines profondes. Peut-être que de la collision de ces existences naîtra un début d’apaisement. Mais de tels secrets séculaires peuvent-ils se révéler autrement que dans la violence ?
Arides.
Comme ces territoires inconnus où le héros doit s’enfoncer pour aller trancher le noeud des origines.
Entrepreneur social, Mickaël Carlier a toujours mené, en parallèle à son travail, des projets artistiques autour de l’écriture, du théâtre et de la photo. Il a cofondé avec trois ami.e.s le collectif d’écriture Mitimacha, et enregistré la minisérie de balados Rêves de jeunesse. Fasciné par les trajectoires humaines, il aime explorer nos failles, nos lumières et nos contradictions. Mickaël Carlier vit à Montréal. Arides est son premier roman.
Extrait 1
Perdu dans le silence hypnotisant de ce paysage désertique, au bout de ce chemin qui n’en était plus un, les réponses qu’il avait obtenues et qui l’avaient conduit jusqu’ici s’avéraient bien faméliques. Mais il n’avait rien d’autre. Il devait s’en contenter.
Au-dessus de lui, le soleil avait commencé à décliner. Il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où il se trouvait. Il se retourna et observa le sentier - non il ne pouvait décemment pas rebrousser chemin, c’était impensable.
Il tenta de se rassurer : il ne pouvait être isolé, perdu à ce point ; quelqu’un allait finir par apparaître.
- Y A QUELQU’UN ?
Sa voix s’évapora dans d’insignifiants échos.
Il hésita encore, coincé entre deux mondes. Face à lui couraient des kilomètres de terre et de roche, imbibés de silence.
Tout ce silence.
Sa vie se résumait à ça, le silence.
Extrait 2
Le vieux finit par tourner la tête vers son fils et lui fit signe d’approcher.
- Viens ici...
Il répéta son geste. Dan se leva.
Le vieil homme déglutit et il se mit à lui parler. Sa voix était faible. Rugueuse.
Elle se faufilait avec peine jusqu’à l’oreille de Dan, immobile, attentif. Il lui parla de petites maisons collées les unes contre les autres, serrées comme pour ne pas se perdre au coeur de l’immensité du paysage, pour se tenir ensemble. Des maisons grossièrement alignées le long d’une rue centrale qui débouchait sur une petite chapelle dont le clocher rythmait la vie des villageois. Il lui révéla que c’était dans cette chapelle que Dan avait été baptisé.
La chambre d’hôpital était immensément silencieuse. Les mots du vieux y brillaient comme des étincelles dans la nuit.
Il lui décrivit aussi la maison de ses grands-parents maternels, cette petite maison simple, sur deux étages, dans laquelle il avait vu le jour.
Dan l’écoutait avec une attention monastique. Une petite maison nichée dans un village. Lui qui avait toujours vécu en ville, qui n’était pour ainsi dire jamais sorti de la ville...
- Et ce village, il est où ?
Après une longue hésitation, son père lui parla de ces terres vallonnées à perte de vue, de cette forêt touffue, de cette rivière qui serpentait entre les collines - des indications objectivement floues mais qui, à l’oreille de Dan, sonnaient comme un trésor.
- Et la famille, insista encore Dan. Qui sont-ils ? Où es-tu né, toi ?
Son père fut pris d’une longue quinte de toux qui sembla briser son corps chétif. Dan lui tendit à nouveau le verre d’eau. Il but à toutes petites gorgées.
Sa main tremblait.
Le vieux se racla la gorge, il grimaça.
- Oublie ces gens, lâcha-t-il avec effort. Je te l’ai déjà dit mille fois, oublie-les.
- Oublier ? Mais oublier quoi, je ne sais rien. Rien !
Extrait 3
Elle parvint à l’angle de la bâtisse et à peine eut-elle pivoté en direction du tracteur qu’elle stoppa net son mouvement. Le corps en suspens, le geste brisé, elle était totalement paralysée - le destin, justement, venait de s’accélérer.
Dans le même instant, une quinzaine de mètres derrière elle, la vieille sortait de son commerce, talonnée de Frank et de son regard fou - tous deux s’arrêtèrent eux aussi. Le visage de la vieille était méprisant, acéré. A ses côtés, les lèvres et le menton couverts d’un sang poisseux, Frank ressemblait à une bête blessée : capable, dans sa chute, d’attirer tous ceux qui se trouveraient à sa portée. Et les trois, inconscients de la vitesse à laquelle leurs vies étaient en train de pivoter, fixaient un même et unique point qui venait d’apparaître au sommet de la colline. Au loin, sous le ciel immense, se tenait une silhouette, celle d’un homme, d’un homme colossal, qui avançait, lentement, péniblement, qui avançait vers eux, et dont on distinguerait bientôt les traits du visage, et Élina, happée par cette vision, les devinait déjà presque, les traits de cet homme, de cet étranger venu percuter sa vie, de cet étranger qui changerait tout, absolument tout ici. Alors enfin elle parvint à bouger de nouveau, et elle avança, vers lui, vers sa vie, vers son histoire, elle avança et elle entendit en même temps, derrière elle, cette phrase que prononça un Frank devenu totalement fou et qui dit, comme ça, de sa bouche couverte de sang : Je vais aller le buter ce connard.
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