Vagues (Les)
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La récréation que fut pour elles l’écriture d’Orlando n’était pas même commencée que Virginia Woolf, au printemps 1927, songeait déjà à l’œuvre « très sérieuse, mystique, poétique », qu’elle souhaitait écrire ensuite. Le livre, dans son esprit, s’est d’abord intitulé « Les Phalènes ». Elle a alors « l’idée d’un poème-pièce : l’idée d’un courant continu […], d’une histoire d’amour ». Elle y pense en écoutant sur son gramophone les dernières sonates pour piano de Beethoven. Mais elle ne l’écrira vraiment que deux ans plus tard, lorsqu’elle aura trouvé le titre définitif. Le livre achevé, tel qu’il se présente et comme le montre magistralement la préface de la traductrice est moins un roman qu’une élégie, une composition musicale, où le rythme est premier. Du dehors, Les Vagues se présentent ainsi : neuf interludes annoncent neuf épisodes. Les interludes suivent la course du soleil, de l’aube au soir, les variations de la lumière, le rythme des vagues, l’état d’un jardin, d’une maison, le chant des oiseaux. Dans les épisodes, six personnages qui sont plutôt des voix, des fantômes qui hantent la romancière, comme ces phalènes venus battre contre la vitre dont l’image l’a tellement marquée : Bernard, Susan, Rhoda, Neville, Jinny, Louis, dans l’ordre de leur apparition. Chaque épisode marque un moment important de leur vie — enfance, école, université, dîner d’adieu, mort de Perceval (figure centrale dont le modèle est Thoby, le frère de Virginia, trop tôt disparu), vie, maturité, Hampton Court, monologue de Bernard. Comme l’écrit Mona Ozouf : « l’un des charmes du livre – au sens fort est magique du terme – tient à l’investigation, sans cesse déçue, sans cesse relancée, où il précipite son lecteur. Avec les indications fugitives de Virginia, nous nous ingénions à recomposer l’identité de chacun : l’éclat sensuel de Jinny, l’évanescence tragique de Rhoda, la plénitude maternelle de Susan, la solitude de Louis, l’homosexualité de Neville, le détachement de Bernard. » Mais il tient aussi au fait que ces « personnages » n’en sont pas, et que la fleur à sept pétales qu’ils composent avec Perceval n’est autre que la romancière elle-même dont ils sont aussi les reflets, chacun représentant une part d’elle-même. Le livre peut donc être lu aussi comme une autobiographie de l’écrivain, où la littérature est constamment présente, à travers chacune des six voix, à chaque âge de la vie. Écrire, pour Virginia Woolf, c’est, nous dit Cécile Wajsbrot : « s’insérer dans une lignée littéraire […] et se placer aux côtés de Shakespeare, de Shelley, en explorant d’autres territoires, de brume et d’interdit, car les maîtres sont des aventuriers. C’est le pari des Vagues, ambitieux et secret, une autobiographie, une élégie, mais une autobiographie mystique — mystique de la littérature. »
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