Paragraphes
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« De fatigue et de cigarettes, je m’assoupis bientôt. Je rêvai que les livres que je regardais en m’assoupissant prenaient la figure de ceux ou celles qui les avaient écrits. Et de voir le regard de ces visages, mes yeux de reporter comprirent qu’ils désiraient être interviewés. Au cours des soirées libres que j’eus depuis, j’ai interrogé une douzaine des livres qui s’empilaient sur ma table ou dans mon étagère. Et tous se sont accordés pour dire qu’ils étaient une image assez ressemblante de l’esprit qui les avait conçus et enfantés. »
Paru initialement en 1931 et jamais réédité jusqu’à ce jour, Paragraphes est à la fois l’une des plus belles curiosités de notre littérature et l’un des textes annonciateurs de la modernité littéraire, tant par sa forme que par les idées qu’il propose. Ouvrage inclassable s’il en est, ce recueil consiste en une série d’interviews littéraires, à ceci près que le critique convie à sa table, non pas les écrivains, mais les œuvres elles-mêmes.
Si ces entrevues décalées surprennent par leur audace formelle, notamment par rapport à la production critique de l’époque, plutôt connue pour son austérité et son conservatisme, si elles séduisent par la verve et l’humour des dialogues inventés, elles sont surtout l’occasion pour Alfred DesRochers de défendre sa vision de la littérature canadienne-française. Son avenir, soutient-il dans ce livre aux allures de manifeste, passera par l’affirmation de son américanité, seul gage de son originalité, et par une plus grande ouverture à la jeunesse et aux femmes.
Joignant le geste à la parole, DesRochers convoque ici, aux côtés des livres d’un Robert Choquette ou d’un Jean-Charles Harvey, ceux d’Alice Lemieux, de Jovette Bernier, d’Éva Senécal, de Simone Routier ou encore de Gaétane Beaulieu. Sept entrevues consacrées à des femmes pour sept entrevues à des hommes, voilà un ouvrage qui, même sur le plan mathématique, était en avance sur son temps.
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