
Œuvres complètes
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« S’il vivait, je le ferais prince », disait Napoléon de Corneille
(1606-1684) que, de son côté, La Bruyère avait déjà fait roi, « et un
grand roi » ! Ces mouvements d’un enthousiasme aussi intarissable que
leur nombre est incalculable, permettent de mieux comprendre que
l’auteur du Cid et de Cinna, de L’Illusion
comique et de Suréna, n’est pas seulement un grand
écrivain : c’est un géant. Il est de la race des Cicéron, Virgile, saint
Augustin, Dante et Shakespeare.
Jusqu’au début de ce siècle, la
France le lisait et le savait par coeur. Mais à mesure que fut établi un
environnement de passions qui regardent la grandeur comme une injure,
les commissaires des impulsions collectives voulurent déclasser
Corneille : sauf par bribes, ou réadaptées, ses oeuvres sont donc
inaccessibles. En une génération le plus puissant des auteurs classiques
est ainsi devenu un poète maudit. Et voici qu’avant-gardiste et
révolutionnaire, le classicisme explosif du « vieux Corneille » apparaît
tel un péril pour la paix civile.
Dans une langue
miraculeuse, la gloire cornélienne est celle d’un théâtre qui réinvente
toutes les formes du drame. Elle est aussi celle d’une pensée, que
disent ses discours, ses lettres et son abondante oeuvre poétique. Elle
est enfin celle de son opus ultimum, lorsque se détournant de la scène,
le grand homme réécrivit en vers les Psaumes et les offices du Bréviaire
romain. Cet ensemble éclaire de cohérence le sens de chaque ouvrage : si
les héroïques figures créées par l’auteur disposent ici des montagnes
que la foi déplace, elles traversent à pieds secs l’abîme de faiblesses
que seul surmonte le regard fixé sur les traces du Logos. La gloire de
l’affirmation cornélienne expose le labyrinthe des déficiences humaines
et n’y consent pas. Cette littérature éclatante s’appuie sur la
rationalité comme un don divin fait à l’homme au-dessus de soi. Goethe
s’en souviendra pour qui « la voix de Corneille porte si loin qu’elle
reçoit et forge ce dont l’âme est héroïque ». Corneille lance un défi
aux époques où les hommes se haïssent assez pour redouter la force de
l’appel à l’humanisme intégral.
À moins de
quelque édition spécialisée en plusieurs volumes très onéreux, les OEuvres
complètes de Corneille étaient introuvables. 400 ans après la
venue au monde de sa première pièce (Mélite,
écrite en 1625), les voici de nouveau accessibles, accompagnées d’une
chronologie détaillée, d’un glossaire des vers célèbres, d’un index des
personnages et d’un index nominum. L’ensemble est précédé d’un essai de
Romain Debluë, qui constitue le premier texte d’envergure sur Corneille
depuis Marc Fumaroli.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.