
Mœbius, no 185
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« Qui écoute nos murmures, longtemps après le dernier
frisson?
Nous tenons cette promesse
Celle d’exister encore dans la mémoire
de l’un, du tout
dans le papier
Une certitude
Nous perdurerons car nous importons
Écoutons, aujourd’hui
Ne consultons plus les prophètes
Œuvrons entre les générations, les temps
immémoriaux
Oracles de nos jours
Je te l’assure, nous existerons tant qu’il y aura des
mains et des yeux
ces héritier·es de nos récits
manifestes des cicatrices qui
interrogent
Lesbos, entre les VIIe et VIe siècles av. J.-C.
Des fragments sur papyrus captent une voix
éphémère
Les mots de Sappho, invitation à l’amour, la révolte, à
faire
(l’)Histoire
nous parviennent depuis les profondeurs
Comment tisser la filiation ?
Les formes de l’oubli ensevelissent le marécage
Ce que l’Histoire retient sur son passage
Des voix des voix se chevauchent s’interrompent coulent
entre les doigts de celleux qui s’en saisissent
Nos pleurs, nos souffrances retentiront
Quelqu’un quelque part devra attraper au vol
Nos maux
icônes arrachées
Mais quels « nous » peuvent émerger dans le présent?
De l’enfant, l’ami·e, l’amoureux·se qui reçoit
jaillissent communauté imaginée
désir de faire ensemble
archive
mythe
Dis-moi,
quel monument saura ancrer ce que de tout temps nous
savons?
Notre force
Notre grandeur
désobéissante
Politique
Oui,
Soyons inoubliables
indélébiles
intarissables
Pour la postérité »
La citation-thème est tirée du livre Ode et
fragments de Sappho (trad. Yves Battistini), éditions
Gallimard, 2005.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.