Cézanne
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La chance de Cézanne fut d’être abordé, en 1895, par un poète aixois de vingt-trois ans, fils d’un de ses amis d’enfance, enthousiasmé par les deux toiles du peintre qu’il venait de découvrir dans une exposition locale. Par sa dévotion, sa jeune ardeur, Gasquet gagne la confiance du peintre ombrageux, défiant, enclin à toujours voir, dans les affronts subis, le fruit de quelque complot ourdi à son encontre. Il s’efforce de panser des plaies promptes à se raviver ; il rassure un moment un artiste bourrelé de scrupules, que l’inquiétude à l’égard de son oeuvre n’a jamais quitté. Il le peut d’autant mieux que, poète, ayant l’intuition que l’art de Cézanne ressortit à la poïétique, il pressent combien l’oeuvre à naître exige du créateur, à voir celui-ci mettre en son ace sa vie en balance, son être en jeu. Heureux de se voir si bien compris, le peintre fait alors de Gasquet son confident de prédilection. Dans son atelier, sur le motif, au Louvre, il évoque en grand connaisseur ses "phares", juge sans aménité les artistes contemporains, expose ses vues sur le métier, relate les affres qu’il connaît à chaque tableau et ce, aussi pertinemment que le fera Van Gogh à son frère.
Il se trouve que Gasquet écrit bien. Sa prose lyrique, imagée, (amie de l’épithète !) est d’un coloriste ; elle abonde en bonheurs d’expression. Elle est surtout d’un être de qualité, sensible et sagace, qui excelle à nous rendre attachant et digne de compassion celui que la malveillance a présenté comme intrinsèquement farouche et bougon. Nouvel Eckermann, le poète recueille et transcrit, avec piété et précision, les propos de l’ami. Lesquels, complétés par des extraits de lettres, organisés, donnent un grand prix à la monographie que Gasquet consacre au peintre, en 1921, et que voici rééditée.
Présentation de François Solesmes.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
