Comédie vénitienne (La)
|
Cette comédie anonyme, exhumée en 1928 d’un manuscrit de la première moitié du XVI e siècle conservé à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise, sous un respect formel des cinq actes canoniques de la comédie classique et dans un langage apparemment châtié conforme aux exigences de la censure, met en scène les cinq étapes d’une initiation à l’amour dont l’étape centrale (l’acte III) fait de la pièce, à la barbe des sévères censeurs vénitiens, la plus audacieuse de la Renaissance italienne.
La pièce s’ouvre sur un bref monologue du seul personnage présent du début à la fin, Giulio, jeune homme étranger à la ville épris d’une jeune Vénitienne, Valiera, dont il ignore encore qu’elle est mariée. Giulio déclare à Oria, servante de Valiera, sa flamme pour sa maîtresse. S’ensuit un dialogue malicieux entre les deux femmes où il apparaît que Valiera ellemême avait remarqué le bel étranger et serait disposée à répondre à ses avances. Est alors introduit le personnage sur les initiatives duquel va reposer l’essentiel de l’intrigue : Angela, une veuve d’âge mûr follement éprise du jeune Giulio et qui se livre sur sa servante à des simulations d’un érotisme croissant. Les tentatives des deux femmes d’attirer Giulio dans leurs filets tournent à l’avantage de la veuve, grâce à l’entrée en scène et aux propos convaincants d’un portefaix bergamasque madré, Bernardo, qui accompagne Giulio au palais d’Angela. Le jeune homme y connaîtra une longue nuit d’amour en plusieurs étapes, rythmées et commentées, dans la cuisine à l’étage supérieur, par le portefaix et la servante.
La découverte par Valiera de la chaînette de sa rivale au cou de Giulio amorce, avec l’échec de l’anomalie perturbatrice dont Angela était l’incarnation, un retour à la normalité d’où s’ensuivra la fin heureuse traditionnelle, à cette différence près : le triomphe final de l’amour n’aboutira pas au mariage de deux jeunes célibataires, mais à un adultère. Entre la redécouverte et une pratique croissante de la comédie antique dans le courant du XV e siècle, la naissance et les développements dans les premières décennies du XVI e d'une comédie italienne source reconnue du théâtre européen moderne, la Veniexiana occupe une place non négligeable : tant par la superposition au schéma canonique de l'intrigue comique d'une aventure initiatique inspirée de l'art de la nouvelle et des romans, que par les libertés prises vis-à-vis des unités de temps – quatre jours et trois nuits – et particulièrement de lieu(x). Leur multiplicité ne manqua pas de poser des problèmes inédits de mise en scène sur la résolution desquels on se perd encore en conjectures.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.