Daniel
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Daniel est le deuxième grand roman d’Ernest Feydeau, publié l’année qui suivit Fanny, oeuvre qui fit couler tant d’encre et que la critique rapprocha si souvent de Madame Bovary. Une autre édition, après la mort de l’auteur, voit le jour chez Lévy en 1875. Et puis le roman semble tomber dans l’oubli jusqu’à cette présente édition…
Ami de Gautier et de Flaubert, reçu chez la Présidente, Ernest Feydeau a percé brutalement dans la République des lettres et y a gardé une place de choix jusqu’à sa mort : il est un écrivain qui a compté, au moins pendant une bonne décennie, au coeur même des belles années du Second Empire. D’ailleurs, c’est Sainte-Beuve en personne qui lui dresse ses plus belles couronnes de lauriers, et ce dès la publication de son premier roman, Fanny. Au fond, Sainte-Beuve a dû préférer Feydeau à Flaubert et jusqu’à la fin il a tenu à manifester sa fidélité à l’auteur de Fanny. Flaubert, justement, a été l’un des premiers lecteurs de Daniel et ses conseils, ses critiques ont nourri leurs longues discussions notamment épistolaires. Si l’on en croit leurs proches, Feydeau et Flaubert partagent bien des opinions en matière d’esthétique. Au fond, Feydeau ne serait pas un sous-Flaubert, encore moins un artisan par opposition à l’artiste, jamais un faiseur même s’il offre au public une oeuvre pléthorique, ce que Flaubert a toujours refusé et dont il n’est absolument pas capable au demeurant. Ce qui doit nous intéresser au premier chef, c’est le constat selon lequel, avec la rédaction de Daniel, Feydeau incarne une autre manière d’être en littérature que celle de Flaubert, suffisamment proche cependant pour ne pas être vouée aux gémonies mais encore assez différente pour que les deux hommes et les deux écrivains ne se confondent pas. Mieux, leur relation permet à Flaubert de s’enraciner davantage dans ses principes esthétiques et éthiques tandis que Feydeau, au contact de son confrère, est en train de tracer sa voie et de s’imposer avec une facilité déconcertante au coeur de cette République des Lettres tant malmenée par le second Empire.
Daniel est un roman d’amour. Comme tant d’autres ? Pas tout à fait. En nous racontant la destinée de ce personnage malmené par le destin – mal marié et trompé par sa femme – Ernest Feydeau aborde la question de l’amour rendu impossible par les convenances et les règles sociales.
Le roman de Feydeau interroge le devenir de l’école réaliste, les grands dogmes de l’impersonnalité flaubertienne : il remet en cause une certaine forme d’autonomisation de la littérature. Ernest Feydeau plaît à Flaubert et à un large public parce qu’il est de son temps. Il ne révolutionne rien, il ne bouleverse aucune règle. Il s’inscrit dans son époque jusqu’à en épouser toutes les facettes : de l’idéal romantique à la soif d’exigence esthétique typique de Flaubert.
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