Pourquoi s'opposer à l'inégalité
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Les niveaux très élevés d’inégalité semblent moralement contestables. Mais les raisons pour lesquelles ils le sont et pour lesquelles il faudrait les réduire ou les éliminer sont-elles si évidentes ? Nous avons donc besoin d’une conception claire des raisons de combattre les inégalités.
« Les individus ont de nombreuses raisons différentes de s’opposer à des formes d’inégalité : des raisons fondées sur leurs effets, sur les relations avec les autres qu’elles impliquent, et sur les institutions qui les engendrent. Ces raisons sont diverses et ne découlent pas toutes d’un unique principe distributif égalitaire. Ce qui les unifie, c’est leur rôle commun dans le processus par lequel les institutions sociales doivent être justifiées auprès de ceux à qui l’on demande de les accepter. »
Par-delà nos raisons d’améliorer le sort des plus démunis, nous avons aussi des raisons de nous opposer à l’inégalité, c’est-à-dire à la différence entre la vie des uns et celle des autres. Ces dernières sont plus énigmatiques, et Thomas Scanlon examine six raisons de ce type. Il montre que l’inégalité peut être contestable parce qu’elle crée d’humiliantes différences de statut ; parce qu’elle donne aux riches des formes de contrôle inacceptables sur ceux qui ont moins ; parce qu’elle sape l’égalité des chances économiques ; parce qu’elle nuit à l’équité des institutions politiques ; parce qu’elle résulte de la violation d’une exigence d’égalité d’attention pour les intérêts de ceux à qui les pouvoirs publics ont l’obligation de fournir certains services ; ou encore parce qu’elle est produite par des institutions économiques inéquitables. Il examine également les objections à la poursuite de l’égalité au motif qu’elle implique une entrave inacceptable à la liberté individuelle, et fait valoir qu’on ne peut ni justifier ni s’opposer à l’inégalité en se fondant sur une notion de mérite.
Disposer d’une conception claire des raisons pour lesquelles les inégalités doivent être combattues permet de faire apparaître en quoi sont contestables les lois et les institutions qui les promeuvent, et pourquoi il peut être justifié de les modifier.
L’une des thèses fortes de ce livre : toutes les inégalités ne s’exposent pas aux mêmes objections, qu’il faut parvenir à distinguer pour fournir à ceux qui veulent les combattre les meilleures raisons de le faire.
Né en 1940, Thomas Scanlon, philosophe américain, a été professeur à l’Université de Harvard de 1984 à 2016. Spécialiste d’éthique et de philosophie politique, il a publié des travaux de première importance sur la liberté d’expression, l’égalité, la tolérance, les théories de la justice, les théories du contrat social, le bien-être, ainsi sur de nombreuses questions fondamentales de philosophie morale. Il a notamment publié L’Épreuve de la tolérance. Essais de philosophie politique (Hermann, 2018), Moral dimensions : permissibility, meaning, blame (Harvard UP, 2008), What we owe to each other (Harvard UP, 1998). Ce dernier fait partie des classiques de la philosophie morale et politique du XXe siècle, au point d’avoir intégré, au même titre que la Théorie de la justice, de Rawls, la culture populaire américaine. Il donne par exemple son titre à l’un des épisodes de la série humoristique The Good Place.
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