Cahiers philosophiques, no 160
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Parler d’embarras de la démocratie renvoie d’abord à un décalage entre les attentes normatives vis-à-vis de la démocratie comme régime institué sur la base de principes de liberté et d’égalité des citoyens et ce qui se produit dans les démocraties réelles. Il ne s’agit pas du simple constat d’un écart entre l’idéal et le réel, bien plutôt d’un fonctionnement « torve » : la démocratie est opératoire et ce qu’elle produit ne cesse tout à la fois de surprendre et de décevoir. D’un côté, la démocratie a le statut d’une norme politique universelle qui peut même être imposée par la guerre dans certaines régions du monde. De l’autre, se multiplient les manifestations des insuffisances démocratiques : l’accroissement considérable des inégalités à l’échelle mondiale fait douter de son aptitude à assurer la justice; l’impuissance patente face aux urgences environnementales incite à être plus que réservé quant aux capacités d’action des États démocratiques. Enfin, du Brexit à l’élection de dirigeants autoritaires, revendiquant haut et fort des discriminations d’ordres divers, c’est le caractère démocratique de certains choix pourtant « démocratiques » qui se trouve mis en question et englobé dans la catégorie fourre-tout de populisme.
Est-ce le modèle démocratique lui-même qui doit être critiqué? Est-ce le fonctionnement insuffisamment démocratique des démocraties? La liberté, l’égalité, l’exigence de justice, la détermination de l’intérêt général, ont été et sont encore l’objet de réappropriations populaires plus ou moins « insurgeantes » qui œuvrent à des transformations de la démocratie.
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