Athènes et Jérusalem
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Tome X de ses œuvres complètes telles qu’il les avait lui-même conçues, achevé en avril 1937, un an avant sa mort, Athènes et Jérusalem est le dernier grand livre publié de Chestov, et donc l’aboutissement de sa réflexion sur l’opposition entre la sagesse philosophique (Athènes) et la révélation religieuse (Jérusalem).
Chestov résume lui-même dans sa préface la visée du livre : « mettre à l’épreuve les prétentions à la possession de la vérité qu’émet la philosophie spéculative ». La connaissance ne justifie pas l’être, c’est le contraire qui est vrai : « L’arbre de science n’étouffe plus l’arbre de vie. » La première partie, écrite en 1929, montre qu’en poursuivant le savoir, les philosophes ont perdu la liberté : Parménide est enchaîné. La deuxième partie, « Le Taureau de Phalaris », achevée en 1931 et composée de chapitres consacrés à Nietzsche, Socrate et Kierkegaard, fait apparaître le lien indestructible entre le savoir tel que le comprend la philosophie et les horreurs de l’existence humaine. La troisième montre les efforts infructueux de la philosophie médiévale pour concilier la vérité biblique, révélée, avec la vérité « prouvée ». La quatrième partie, intitulée « La seconde dimension de la pensée » et composée d’aphorismes notés sur des carnets de travail des années 1925-1929, montre que les vérités de la raison nous contraignent peut-être, mais qu’elles sont loin de nous persuader toujours.
Un même effort soulève les quatre parties du livre : rejeter loin de soi les vérités inanimées et indifférentes à tout, qui sont les fruits de l’arbre de la science. Chestov leur oppose une « philosophie religieuse » qui prend sa source dans l’acceptation absurdement paradoxale que pour Dieu, rien n’est impossible.
« “Athènes et Jérusalem”, “la Philosophie Religieuse”..., ces expressions coïncident presque, elles ont presque le même sens et elles sont aussi énigmatiques l’une que l’autre et irritent au même degré la pensée contemporaine par la contradiction qu’elles recèlent. Ne vaudrait-il pas mieux poser le dilemme : ou bien Athènes, ou bien Jérusalem? Ou bien la religion, ou bien la philosophie? » – Léon Chestov, « Sagesse et Révélation », préface à Athènes et Jérusalem, 1937.
Né à Kiev dans une famille juive, Léon Chestov (1866-1938) commence dès 1895 à fréquenter les cercles littéraires et philosophiques russes. Après la parution de son second livre, L’Idée du bien chez Tolstoï et Nietzsche, Diaghilev lui propose de collaborer à sa revue Le Monde de l’art. Après avoir vécu en Suisse, en Italie, en Allemagne, il émigre définitivement de Russie en 1920 pour se fixer à Paris jusqu’à la fin de sa vie. Il écrit beaucoup : les éditions de la Pléiade de Schiffrin se lancent dans un premier projet d’« œuvres complètes » en 1926, et la NRF publie des Pages choisies en 1931. C’est après-guerre qu’il exerce en France la plus grande influence — son Kierkegaard et la philosophie existentielle paraît un an après sa mort, en 1939. Camus proclame sa dette envers Chestov dès 1942. Georges Bataille cotraduit chez Vrin son deuxième livre. Yves Bonnefoy écrit en 1967 son essai « L’Obstination de Chestov » pour le nouveau projet d’« œuvres complètes » des éditions Flammarion publiées et traduites par le musicologue, critique et traducteur Boris de Schloezer, ami de l’auteur.
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