Herbier de prison
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Quoi de plus iconoclaste qu’un herbier composé entre quatre murs, sans l’étendue de la nature? Comme une contradiction dans les termes. L’herbier de prison de Rosa Luxemburg est une archive sans équivalent. Troublante et attachante, sa fragilité et son histoire en font un témoignage de résistance et d’évasion, une fabrique de formes et de joie, un document sur le sentiment politique de la nature, fondement de toute écologie.
Composé de sept cahiers datés d’avril 1915 à octobre 1918, l’herbier a pu être réalisé par la révolutionnaire emprisonnée grâce à l’amitié sans faille de quelques femmes, ses amies intimes dont la féministe Clara Zetkin. Au-delà des quelques fleurs et mauvaises herbes de la cour de la prison que Rosa glane lorsqu’elle sort sous surveillance, ce sont ses proches qui lui envoyèrent par lettres des spécimens séchés ou des bouquets fleurs fraîches qu’elle-même pressait. Aux planches de l’herbier répondent ainsi tout une correspondance où il est question de botanique, de nature, de romantisme allemand, d’amour de toutes créatures, et cela, « en dépit de l’humanité ». Rosa Luxemburg ne cesse d’encourager ses proches à garder leur joie de vivre et leur gaieté alors que les nuages qu’elle entraperçoit par une fenêtre à barreaux se chargent des couleurs de la guerre et de l’acier.
L'Herbier et le rossignol est constitué de 133 planches botaniques accompagnées de la traduction des légendes manuscrites de celles-ci. Cet ouvrage recueille également une soixantaine de lettres, dans lesquelles la révolutionnaire évoque sa passion pour les plantes, ainsi que pour les animaux. Des documents inédits en français complètent le volume, notamment un journal où Rosa Luxemburg consigne les faits et gestes de sa vie d’incarcérée.
Rosa Luxemburg fut et demeure une figure majeure du mouvement socialiste révolutionnaire. Née en 1871 dans une ville de Pologne rattachée à l’empire Russe, elle s’exile en Suisse pour ses études. Elle s’inscrit d’abord en zoologie puis en économie, et fait la connaissances de plusieurs militants socialistes allemands. Internationaliste, opposée au tsarisme et aux monarchies d’Europe, elle prend la nationalité allemande pour des raisons politiques et rejoint ce pays à la fin des années 80. Elle adhère au parti socialiste allemand ainsi qu’à la Seconde internationale, dont elle sera une des membres éminentes. Opposée à Lénine sur la question de la centralisation et de l’insurrection armée, elle militera pour amener la révolution par la conscientisation de la classe ouvrière. Devant l’échec de l’Internationale ouvrière lors de la Première Guerre mondiale, elle fonde en 1914 la Ligue spartakiste, opposée au vote des crédits de guerre et à la mobilisation. Polyglotte, d’une érudition immense tant dans le domaine de la politique que des sciences naturelles, de la poésie et de la peinture, elle passe la Première Guerre mondiale en prison, écrivant des lettres d’un lyrisme et d’une intelligence sans pareils. Passant la Première Guerre mondiale en prison, Rosa Luxembourg sera assassinée quelques mois après sa sortie, avec Karl Liebknecht, par des militaires.
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