Fragments phénoménologiques sur le temps et l'espace
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Toucher aux problèmes et questions posés par le temps et l'espace, c'est toucher à ce qui paraît toujours aller le plus de soi dans notre expérience la plus courante, et le moins souvent interrogé et le plus souvent présupposé. Même si la tradition philosophique en a tenté plus d'une fois l'expérience, et ne nous laisse pas tout à fait démunis, elle y a été confrontée à maintes difficultés, devenues classiques, et qui comportent en elles-mêmes, dans le traitement qu'elle en propose, des «évidences» qu'il paraît absurde de soumettre au doute. Par exemple, l'écoulement du présent ou la distinction dedans/dehors.
La dernière élaboration systématique, et classique dans son esprit, de ces problèmes et questions, est celle de Husserl, manifestement en écho à celles d'Aristote et d'Augustin. Or, pour peu qu'on l'examine depuis la refonte de la phénoménologie proposée dans le présent ouvrage, elle révèle tout à la fois ses limites et ses présupposés, et conduit inexorablement à des paradoxes (dont ceux de Zenon)— ceux-là même que la tradition avait déjà rencontrés pour les éviter, pour s'assurer d'une stabilité au moins relative.
Tirer les fils qui conduisent à ces paradoxes, en découvrir l'organisation interne — l'architectonique—, c'est donc mettre à jour quelques-unes des racines les plus profondes de la tradition ainsi que leurs motifs phénoménologiques cachés. C'est donc aussi s'exposer à l'inconfort d'un voyage sur un continent sans repères fixes, dont on n'a pas la carte, et en être réduit à l'exploration par fragments, de proche en proche, par zigzags, avec la présomption que toute carte ne peut être qu'une représentation construite et théorique. Il faut se résoudre à ce que la phénoménologie refondue au-delà de l'ordre des eidétiques soit une sorte très paradoxale de mathesis de l’instabilité.
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