Triste privilège ou vie conte de fée
Triste privilège ou vie conte de fée
Laure  
  • Éditeur : Allia
  • Collection : Petite collection
  • EAN : 9782844858719
  • Code Dimedia : B0002036
  • Format : Poche
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature française
  • Pages : 64
  • Prix : 11,95 $
  • Paru le 26 janvier 2015
  • Plus d'informations...
EAN: 9782844858719

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Autobiographique, ce texte nous plonge dans les tréfonds d'une âme voyageuse et torturée, dans le labyrinthe d'une conscience enfantine habitée par la peur d'un ogre : le spectre de l'âge adulte. C'est pourtant une enfance volée, voire violée, dont Laure rend compte de son écriture fragile et pudique. Plusieurs personnages se démarquent : la terrible figure de la mère, celle du père regretté, la relation avec la fratrie ou Monsieur l'abbé, proche de la famille et aux mœurs douteuses… Elle finira par dénoncer ce dernier auprès de sa mère : cet acte de délivrance constitue un "appel à jeter de grands cris sur du papier", cris de haine de la religion, de ses proches et de leurs attitudes, puis de la patrie qui tua son père et tant d'autres.
Dans cet écrit qui relève autant du journal intime que de l'élucubration fantasmatique, la narratrice déploie une prose érotico-mystique, où le mal se révèle intrinsèque à la vie. Laure est celle qui a voulu vivre, sans être uniquement un cerveau. Le Triste Privilège ou une vie de Conte de fée est le récit d'une funambule dont l'équilibre précaire effraie et captive le lecteur. Car de cette confession cathartique jaillissent beauté, drôlerie et, finalement, lueurs d'espoir.
 
Je n'habitais pas la vie mais la mort. Aussi loin que je me souvienne, les cadavres se dressaient tout droit devant moi : "Tu as beau te détourner, te cacher, renier… tu es bien de la famille et tu seras des nôtres ce soir" ; ils discouraient tendres, aimables et sardoniques, ou bien à l'image de ce Christ, l'éternel humilié, l'insane bourreau, ils me tendaient les bras. De l'occident à l'orient, de pays en pays, de ville en ville je marchais entre les tombes.
Bientôt le sol me manqua, qu'il fût herbu ou pavé, je flottais, suspendue entre ciel et terre, entre plafond et plancher. Mes yeux douloureux et renversés présentaient au monde leurs lobes fibreux, mes mains crochets de mutilés transportaient un héritage insensé. Je chevauchais les nuages avec des airs de folle échevelée ou de mendiante d'amitié. Me sentant quelque peu monstre, je ne reconnaissais plus les humains que pourtant j'aimais bien. Enfin, je me pétrifiai lentement jusqu'à devenir un parfait accessoire de décor.
 

AUTEUR(S)

Colette Peignot (1903-1938), issue d'une famille parisienne aisée et baptisée Laure par Georges Bataille et Michel Leiris qui établirent, en 1943, une édition posthume de ses écrits, gagna la Russie par conviction dans les années 20 et devint la maîtresse de Boris Pilniak. Celle qui écrirait plus tard "j'idéalise en sucre candi puis je tourne au vinaigre", de retour à Paris en 1931, se lia avec Boris Souvarine et participa au financement de la revue La Critique sociale, où elle signa des textes sous le pseudonyme de Claude Araxe. Une profonde amitié naquit également entre elle et Michel Leiris qui l'évoquerait avec émotion dans ses écrits, notamment Fourbis.
Le présent texte inspira Georges Bataille pour L’Abbé C, auteur avec qui elle entretint une relation passionnelle et pour qui elle représenta une véritable muse. Il déposa dans le cercueil de celle qu'il surnomma "la Vierge sale" les vers du Mariage du ciel et de l'enfer de William Blake.
 




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