Martial, la rage de l'humilié
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La vie d’un homme marginalisé – en prison avant ses 18 ans, séjournant en psychiatrie, rejeté pour son homosexualité – par un sociologue qui l’a fréquenté pendant vingt ans.
Martial est un métis au visage brun dont le père est martiniquais. Il est gay et se lie parfois à des Blancs aisés, pour de l’argent et du rêve. En 1992, à 24 ans, il apprend qu’il est contaminé par le virus du sida. Je venais de faire sa connaissance peu avant. Il meurt en 2010, à 42 ans. Selon les médecins, c’est le sida qui l’a emporté. Mais est-ce là une explication suffisante ? Sous l’attrait qu’il exerçait, enjoué ou songeur, pouvait surgir de la rage et l’envie de tuer. Les liens ordinaires sombraient. Type odieux ou mal dans sa peau, individu immature, schizophrène étaient des termes employés, « rebut de la société », disait-il de lui.
Peut-on mener une sociologie de la folie ou de la colère ? Peut-on comprendre les ressorts intimes d’un rejet de la société grâce aux outils de la sociologie ? En utilisant comme source principale les cahiers rédigés pendant des années par Martial et les moments partagés avec lui, le sociologue Daniel Bizeul rend compte de l’homme qu’il a aimé, avant de se rendre en Martinique pour retracer des moments de son enfance.
À travers la vie reconstituée de Martial, ce sont des franges très marginalisées des classes populaires et leur rapport décousu à l’engagement politique (notamment à travers un épisode de radicalisation islamiste) que l’on apprend à mieux comprendre. Martial ne fait pas partie des figures ouvrières classiques sur lesquelles repose une partie de l’imagerie politique, mais du monde des exclus qui enchaînent petits boulots et moments de précarité extrême, prostitution et vie dans la rue.
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