Revue Otrante, no 29
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André Laurie, c'est une vie et une personnalité à plusieurs étages, ou à plusieurs étapes - et aussi à identités multiples. Sous son nom d'Etat-civil, Paschal Grousset voire Grousset tout court, il est celui qui continue de faire rétrospectivement trembler la bourgeoisie, il est le Rouge, mêlé de très près à l'assassinat de Victor Noir, puis « ministre » des Affaires étrangères durant la Commune, puis déporté en Nouvelle-Calédonie... et bientôt évadé, puis proscrit et exilé outre-Manche. Sous le pseudonyme de Philippe Daryl, il sera le propagandiste infatigable de l'éducation physique, de la gymnastique suédoise, de la natation, et il contribuera à la promotion en France du rugby, du tennis, du foot-ball ou du yachting ; et sous le pseudonyme d'André Laurie, que ce numéro d'Otrante se propose d'étudier plus spécifiquement, il sera, au cœur de la maison Hetzel et fils, « l'homme qui fit de l'ombre à Jules Verne ».
Il saura en effet développer un ton, un style, une voix bien reconnaissables, nourris à ses engagements politiques et à ses épreuves. Ses « Vies de collège » seront dévorés par des générations d'élèves enfants de Jules Ferry, et certains de ses récits d'aventures supportent fort bien la comparaison avec un Stevenson, un Mayne-Reid, un Rider Haggard qu'il a travaillé à faire lire en France, quand il ne les a pas purement et simplement traduits ; et Jules Verne lui-même s'est ému plus d'une fois de la concurrence que lui faisait ce socialiste écrivant une parfaite langue d'humaniste nourri aux Lettres classiques.
Dès lors, à l'aune d'un fantastique aux nombreuses facettes, il s'agissait de rendre pleinement justice aux talents multiples de cette personnalité d'exception, et ce volume d'Otrante entend contribuer à la redécouverte d'un écrivain qui est bien autre chose, et bien plus, qu'un simple satellite de la planète Verne.
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