Revue Lignes, no 45
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L’agitation d’extrême droite, en France, en Europe : il s’agit bien sûr d’y réagir. Mais de comprendre aussi. Et les questions ne manquent pas : à quoi avons-nous affaire ? La question se pose d’autant plus de ce « à quoi » nous avons affaire, que nous ne l’avons pour la plupart pas vu venir ; à des extrêmes droites sans aucun doute, mais à des réactions de droite aussi qui ne se caractérisent certes pas d’elles-mêmes comme « extrêmes » (des conservatismes religieux durs) ; qui le sont cependant, au moins en partie, ou qui en ont l’effet, les conservateurs durs s’ajoutant aux réactionnaires nationaux, le familialisme au nationalisme, d’une façon qui n’est certes pas inédite mais qu’on n’avait pas vue depuis un moment, en Europe peut-être, en France sûrement.
La question des identités nationales (et religieuses) croisant celle des identités sexuelles (le mariage pour tous, le prétendu enseignement du « genre » dans les écoles), quelles sortes d’agrégats ou de syncrétismes idéologiques se constituent-ils ainsi, susceptibles de quelles configurations politiques inédites ?
Qui encore est susceptible de s’y agréger ? petits patrons, commerçants, classes moyennes et populaires en voie de dissociation par l’effet de la crise, etc.
Ces questions ne se sont posées à nous ces derniers mois que sous la pression de la rue : manifestations inquiétantes, détabouisant les énoncés (homophobes, antisémites, anti-Roms), solidarisant des réseaux improbables (Soral et ses liens efficaces, via d’anciens militants de gauche, avec l’islam des banlieues) et des médias (Dieudonné/Valls). Puis des urnes : avec les résultats électoraux du Front national aux municipales, puis aux Européennes (le FN, premier parti de France !) lesquels témoignent que les urnes aussi enregistrent ce mouvement d’ensemble.
La question de la gauche demande aussi à être posée dans ce contexte, laquelle n’a pas à ce point déçu ceux qui avaient placé leur attente en elle, sans que des effets ne s’en ressentent, entre autres dans les régions rurales et industrielles et les électorats ouvriers et populaires.
On parlera, à titre provisoire, mais sûr, de « nouvelles droites extrêmes », de façon à éviter de parler trop vite et trop simplement de « fascisme ». Il est douteux d’ailleurs que ce dernier mot convienne, qui est daté, qui ne dit plus rien de précis, qui ne parvient pas même à dire encore ce qui exista réellement sous ce nom. C’est d’autre chose qu’il est sans doute question, pas nécessairement moins inquiétant.
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