Juste une moitié de lune est un recueil de douze nouvelles. Lise Gaboury-Diallo explore le pardon, la mort, la douleur et la solitude, que ce soit associé à la guerre, à l’injustice, au mensonge ou tout simplement à la condition humaine et son implacable réalité.

Dans ce recueil de nouvelles, les thèmes sont explorés parfois de façon sérieuse et parfois de façon plus fantaisiste. Auteure de nombreux recueils de nouvelles et de poésie, elle invite les lectrices et lecteurs à réfléchir avec elle sur ce que signifie vivre dans un monde dans lequel la tendresse et la souffrance cohabitent.

Le pacte
Dans la pénombre, les deux garçons chuchotent. Le grand penche un peu la tête pour écouter le petit qui parle très bas. La conversation est tâtonnante.
— C’est d’accord comme ça? demande l’aîné alors que son frère le dévisage attentivement. Il hoche finalement la tête. Oui, il comprend, il est d’accord. Ils passeront la nuit ici. Le plus vieux fixe du regard son protégé; ce dernier, fatigué, soudain trop fatigué pour continuer le dialogue murmuré, s’assoit et accote son dos squelettique contre le mur où plusieurs trous alignés au hasard ici et là témoignent de tirs et de ricochets de balles perdues. Le grand le rejoint dans le coin sombre.
— T’as pas faim?
— Non, ça va.
— T’es sûr?
— Mmm.
La voix défaillante de l’enfant qui s’assoupit est remplacée par le rythme léger d’un souffle régulier. Le silence gît partout autour d’eux, comme le débris de leurs souvenirs. Le grand, encore bien éveillé, a quinze ans. On lui en donnerait douze tellement il est maigre pour son âge. Il surveille son petit frère, gris de saleté comme lui et il s’étonne encore de ce regard éteint, et qui vieillit prématurément ce visage de neuf ans. L’enfant se comporte maintenant comme une ombre fantomatique recroquevillée contre lui, sur son corps élancé, pourtant osseux et anguleux, mais chaud et moins dur que le sol.

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